Institut D’Embrasse ta propre tête

[+ Le glossaire de R.]*

* Le glossaire de R.: J’ai pensé gloser les termes que j’avais moi-même découverts et recherchés, pour structurer les formes qui entraient dans la lecture, ne les amputer d’aucune perte, et glisser quelques folies étiologiques extra-poétiques. Ceci n’est pas déterminé à lier, mais à effilocher, à apaiser—même de manière fugitive, topique—la démangeaison de chercher les lueurs tremblotantes les écrans à changer à déterrer le chemin rapide vers les appendices. Il existe des opérations pour cet organe superflu, et elles ne sont pas soustractives mais additives. Il y a aussi des manières de dire, en de plus petits mots du cerveau comme dégénérescent, que des limites renferment simplement comme une surface chatoyante, ce qui revient à dire : R. est une demeurée; mes pensées oniriques à propos de R sont dérogatoires. Beaucoup de ces mots, de ces noms, sont interchangeables et devraient être considérés comme tels. Dans ces lieux, il y a « rechercher et remplacer » pour déplacer l’origine ; l’encre et la guérison sont en quantité illimitée, la cicatrisation n’est pas complète mais elle est transparente. Ceci est le courant sous-terrain et limpide du rêve. La transparence aux bordures de l’opacité, je t’en prie, vas-y, élucide.

Remarques introductives de R (1)

1) les forces de plusieurs visages sous la pression adhésive partagent
le même nom. c’est R.
Leur corps intérieur articulé en nombre, rassemblés sur le champ tourne
coupe le movistar tripote sur les câbles diffuse l’auscultation de la masse du banc en streaming

l’école n’est pas l’institution

2) il était ingénieux, cependant, de reprendre les petits morceaux pour qu’ils rompent toujours plus vite que la sur-structure et de mettre un R. sur la romance de la ruine c’était convenance c’était germane c’était un solvant rapide couronnant de cadence comme l’unique bienfaiteur du canal à la cellule insignifiante ses fonctions démultipliées les technologies moder
marquée du sceau du poétereau

3) la solitude avant tout efficace et les conflits mutuels comme leurs rebuts

* Auscultation : on pouvait lire sur la première ligne d’un pamphlet distribué à la porte du Josephinum : «Aujourd’hui, nous pouvons aller au-delà de l’auscultation (l’écoute au stéthoscope) et, si besoin est, de l’autopsie, pour vérifier un diagnostic : nombreux sont les nouveaux moyens pour observer l’intérieur des êtres humains.» Alors, «auscultation» était probablement le raccourci pour «(écouter à travers un stéthoscope)», mais pourquoi donc allonger la proposition et limiter les possibilités d’auscultations—comme avec le stéthoscope mais aussi avec des boîtes de conserve, des verres et la mise en porte-voix, ce qui fait fureur—mais dans tous les cas, nous contournons tous la parenthèse. Et quand il ne suffirait pas à notre époque d’écouter et de méditer sur le taux du monde intérieur, de le disséquer par des «autopsies» et «si besoin est». Le corps en cire, déchiqueté, à l’intérieur de Joséphine. J’ai ramassé un membre, le pamphlet brûlait dans mon sac. Müller proclamait, tout en distribuant la marchandise, : «Je ne vois absolument pas ce que l’on entend par auscultation» et il lisait «mot» (word) pour «monde» (world) à la première ligne : «Souvenez vous du monde et de ses océans». Il commentait la germanéité de Weber, et les lettres germaient en web, errance, réseau et e-web, comme si vous étiez pris aux filets du web, du net, des interfaces etc. Le mot surprend, particulièrement à ce point clef, où les corps lèvent leurs flux aqueux, la matière forme des nébuleuses floues. J’ai quitté le bureau, tous les livres à la main, sans l’ombre d’une ouïe.

* Germane : (NdT: intraduisible. En français : pertinent, approprié.) Un document électronique qui ajoute et retranche, écrit «German» et auquel on a ajouté un «e»; la clef n’était pas annotée. J’ai noté la confusion orthographique entre van et von dans de nombreux documents. La ruse électronique semblait avoir déjouée toute l’ambiguïté du mot. La première phase d’approche, lente, a gagné en vitesse, jusqu’à ce que les allemands (the Germans) l’emportent.


* Poétereau : Ceci peut être attribué à l’autre R (2). Celle avec qui je vis. J’avais entendu le mot, mais je n’étais pas parvenue à le retranscrire convenablement. Goûter la poésie est consommer correctement. C’était donc vrai, la cigarette s’allumant, le verre se brisant sur le sol, agitant ses morceaux, que cela aurait dû être une dégustation de poésie mais ne l’était pas. C’était le meilleur, l’échec du goût de la poésie. Ceci, déclare Sydney, est
bien la définition du poétereau.


1 – La première R. avec qui je vis. Il en existe de nombreuses, et le pouvoir n’a en effet rien à voir là dedans, chaque R. est interchangeable, tandis que certaines spécificités suggérées seront données.
2 – Le deuxième R. avec qui je vis, comme dit précédemment, et si ce livre devait être dédié à quelqu’un se serait lui/elle.

4) retirer l’étendue musculaire
et dévoiler l’infrastructure du citizen
qui débute avec le handicap son faux départ dégarnissant la récompense
de : malade, voilà le plus sûr moyen de devenir riche grossir son débordement spontané son équipement d’identi-merde


5) parfois le flux nous rappe déments et nous ranimons les sons sans sédiment nous prenons entièrement contrôle de la note
faisons fondre les cloisons supprimons les revêtements
et les balcons frappons l’homme qui lègue son revolver à un autre depuis
le parapet pas prévu, ça fait mal
c’est pas sur ça qu’on a tiré, mensch
jamais sous cet angle dérive


6) les enfants fêlés à la tête
se mettent à enseigner
comme des figures de cire ciselées
de dualisme


nous apprenons des jeunes à inonder l’antithèse comme un baume
contre l’étrange rigidité de hiérarchisation dans des rauques multi-box
le stock de lecture de tous les volumes pour la gloire quand les oiseaux
sont furieux que les hommes leurs drones
ronronnent à distance respectable.

* Dément : Tout le monde s’est aperçu que le titre de l’exposition «Pensées Exactes en Temps Déments» («Exact Thinking in Demented Times») était un trop bon tour. C’était sûrement un rêve, le lit étranger, la chaleur, le fromage tard dans la nuit, les larmes, et au beau milieu de tout cela, Théroigne. Comment peux-tu embrasser ta propre tête ? Les pensées venaient aiguisées, sans l’esprit pour les pétrir agenouillés, mais l’homme énorme et torse-nu, Théroigne, menace encore à la fenêtre d’en face. C’était sûrement la monture des déments, le verre s’effondrant en rouleaux et regards lubriques. J’aurais juré qu’ici étaient les prostituées de Babylone.

* Mensch : Un traducteur Bulgare me disait que le titre posait problème car Mann et Mensch, et Man et Person véhiculaient des grossièretés différentes. Je me suis trompée et j’ai pris le titre sur la deuxième de couverture pour le titre véritable, mais c’était Mann et mon titre était aussi Man, publié par Kopf et j’ai envisagé la possibilité de perdre la tête et essayer de l’embrasser, je considérais l’état général dans lequel se trouvait l’institution dont j’étais un membre à part entière. J’avais pensé trouver Mensch sur la deuxième de couverture et à la place j’ai trouvé un Mann et une Kopf. Cela aurait pu signer la fin de ma quête.

* Dérive : Bon, je me suis dit qu’il ne fallait pas l’employer, mais plus je pensais à son chemin rebattu, plus il s’imposait à moi. Il y avait ce Jules évident mais il y avait aussi «l’Antidote» de Jack contre son big mac, cherchant : «comment donc dériver». C’était là une ville réelle, l’une de celles qu’ils voulaient écrire. C’était là une ville réellement politique
dans un briquage de mots et de barricades. Celle de R., au contraire, semblait d’un papier fragile. Je suis sortie me promener, le béton chauffé à s’en dissoudre répandait son odeur métallique, il y avait quelques rues, elles se ressemblaient toutes, et le chemin du retour a duré une éternité.

Adresse Inaugurale de la Tête de Fortune

Je reporte pour simplifier
la pensée exacte dans un âge plein aux as
platitudes de touffes d’évacuation à étaler
dans une souillure purifiée d’éclat solide
ce travail est un exercice mental car le travail
est hors de lui le travail est avant lui

J’attends pour projectiler à travers
la peau de l’ère si tendue et brillante
campée dans le plasma
parvenir au vrai travail du chant

pour l’ennui je le coupe et chante avec gouverne de toute manière
le diaphragme bouge ceci est un manifeste
tous les verres pourtourent débordant et enivrant

nous nettoyons la chambre et alignons les chaises

* De Fortune : Je pense ici à W.S.G. (W.S. Graham, poète écossais), le monstre de fortune, au boum transitoire où nous nous trouvons, à l’abri temporaire dans le sillage du désastre, au jaillissement des communautés. Mais je pense surtout à la gloire des boutiques éphémères, au cool, à la gomina, aux glissades, au trip hop, au savoir sur le déclin de ces lieux, aux corps empruntés, aux structures ouvertes aux sondes de l’opportunité. Retirer ce qui est de fortune cela fait une gloire de vie, s’enivre de toute l’eau, perd le visage.

* Manifeste : Le dernier manifeste en Europe, selon l’architecte Isozaki Arata, date de l’entre-deux-guerres, mais on peut toujours plaquer certaines qualités sur Manner et trouver de telles inscriptions n’importe où. Nous affrontons le Manifeste rétrospectif de R (3) et le Manifeste doux de R (4) et peut-être également avec ce manifeste dont R est l’initiateur. C’est le premier, non le dernier, recule, mère! En Asie le cas est différent, un laxatif sur le modernisme post-facto, et la forteresse de la croyance s’est légèrement inclinée vers le Millénaire – disons aux alentours des années 60 si l’on en croit toujours Isozaki. Mais peut-être que ce Millénaire l’a réellement supprimée. Bien sûr, il a été suggéré que le tournant du Millénaire marquait l’apocalypse, et comme nous avons oublié de noter ce petit détail, nous causons post-eschatologiquement avec un endroit où le Manifeste ne peut se répandre en post-croyance. Je suis tombée sur une page de papier-glacé du Vogue 1999, l’édition Millénaire, et bien entendu y était annoncée la fin de l’univers, même les corps métalliques, les lèvres miroitaient dans des tons argentés, les écailles de peaux pailletées, une vie auparavant humaine préservée dans une forme sculptée. C’était le genre de Manifeste auquel je pouvais donner foi. Je me suis immédiatement tournée vers le catalogue Next par terre et j’ai commandé la jupe la plus argentée que j’ai pu trouver, je l’ai mise dans une vitrine et j’ai marché sans jupe. J’étais plutôt satisfaite de la chose, quand j’ai découvert, tout juste hier, un livre à côté de l’ISBN 978-3-7873-2813-0 (ce dernier est un Notizbuch que j’ai acheté), ce qui corrobore et rejette en même temps cette idée. Le Manifeste, alors mort depuis longtemps, avait été ressuscité, c’était le nouveau règne du Manifeste que R. a écrit avec cette nouvelle possibilité, mais non sans un brin de doute. Je ne veux pas de ton ironie manifeste, mon frère, je veux la vraie démarche chaloupée des soeurs dans une gaine de croyance, je veux que les virages du Manifeste durent encore et encore. Je ne veux pas entendre le mot Millénaire—bien trop souvent offensant.


3 – Ce R. est bien sûr le manifeste rétrospectif de Rem Koolhaas (à la fois Rétrospectif et Rem). Je n’ai pas caressé ce livre, mais je m’en sus fait une idée via R (4) et les Métabolistes, et par conséquent il est devenu quelque chose de monumental et changeant, intouchable comme le parapet, que le noyau mort intérieur de L’Empire-state, il est devenue l’Empire du Manifeste.
4 – R. ici pour Robertson (NdT : Lisa Robertson, poète canadienne, auteur de Occasional Work and Seven Walks from the Office for Soft Architecture), perturbateur spectral sous la page qui marque les points. Je m’excuse d’emprunter si urgemment ton visage, mais c’est celui que j’ai payé.

L’Esquisse alternative de Wilhelm


«Quelle ligne dans son premier mot a un sujet,
un consentement au travail de tête?
Aucune primauté ne revendique son origine seulement le danger
l’ordre défait avec une armure musculaire
une sonde repassant par le trou-gras
de notre non-centre d’univers amoureux. Nous, l’organe, lentement
écrasés nous dispersons sous le pouce du ton.»


A tous les Wilhelm qui m’entendent vous vous reconnaîtrez nous pouvons souder tout cela, notre voix mal préparée, à travers la fenêtre, brise la séquence des affaires, et le curriculum tombe sur les persiennes. Toutes les feuilles sont lues à haute voix, puis brûlées par un cercle, coulant en somme (colonne : colonne), la voix arrive interdépendante sans approfondir les séparations revoit la relation entre cercles colonnes ce n’est pas l’architecture de l’institution mais le lieu où nous partageons en lingua franchement sans réseaux de voiles revendiquant les puissances de déguisement authentiques brodées ce n’est pas au rythme de l’autochtone mais le pur mécanisme sourd surpasse l’orgone le devient

* Wilhelm : Oublier les noms est une peur lancinante, mais quand deux personnes ont le même nom, il est plus facile de s’apaiser, cela devient affaire de fusion des caractères. Et c’était ainsi quand j’ai vu le visage de W. Reich imposé à W. Fleiss et vice versa, ça n’était pas séquentiel. Je me suis aperçue que cette sorte de redoublement ou de triplement, de multiplication, qui ne se revendiquait d’aucune primauté, était préférable. Vous remarquerez que les «Je» reviennent à l’institution et que tous les glissements de noms, tous les «nous» qui constituent les énoncés schizophréniques, à R la dégénérée. Les noms sont toujours élevés à la puissance : R (1,2,3, etc). – cependant nous admettons que la tentative pour forger de nouveaux noms est ridicule, «Apple» etc, nous refusons de reconnaître les puissances des noms, nous réclamons la première place jusqu’à la fin. Seuls les membres de la famille royale et les américains font correctement : W. ( II, III, Junior, etc. ) J’aurais préféré ne parler que des R mais les W. R. m’ont amenés aux W. F. et cette sorte d’excroissance ne
peut-être étouffée. Il faut le dire : R. reste mon personnage le plus proche, ma très chère intime-ennemie.

* Ton : Je trouvais amusant qu’un musicien soit appelé Ton, bien que l’ironie se perde peut-être dans sa langue maternelle puisque on ne dit pas ton mais choschi. Ce n’est pas ce que j’avais en tête ici avec «ton» : nous voyons ici ton dans un bureau calme, une fois tous les corps partis, seuls les néons, peut-être pas tout à fait allumés, ronronnent encore. Plus précisément, le ton sans autre glose est le ton de l’institution. Une institution est une atmosphère. Peut-être était-ce une bonne chose, écrivait J.H.P. (NdT:Jeremy H. Prynne, poète anglais), que Peter Kropotkin ait décliné le siège dans une telle atmosphère. Les sièges ne sont pas faits pour s’entraider, ils sont faits pour s’asseoir, pour l’immobilité. Ils n’offrent aucune déclinaison, aucune modification. S’il pouvait exister un ton d’entraide, la pression de l’air baisserait probablement au dessus de la Russie même pour un instant à l’instant de la chute du baromètre cela pourrait peut être même conquérir le ton dont je rêve ici encore et encore, vous entendez?

* Autochthone : J’ai gardé pendant un moment le mot, à la ligne « un autochtone pour mon cœur », jusqu’à ce qu’il devienne trop banal, et que le descriptif allochtone me semble mieux souligner l’organisation interne des organes, le flottement et les variations de problèmes dans l’eau global des peaux-compétences. Je ne m’attendais pas à ce que ce mot sous-terrain refasse surface, mais en tout cas il est revenu brutalement. Je l’ai échangé contre de misérables diamants, des jours, des semaines, des années tremblant, puis une fois rappelé il est apparu, une perte d’amour nervurée par la tâche de différence. J’ai réintroduit les petits bouts de substance chaque jour.

* Orgone : Découverte par W. Reich entre 1936 et 1940, et ce n’est pas par hasard, au début de la guerre, l’orgone est apposée à l’énergie, et démontrable visuellement, thermiquement, électroscopiquement, et au moyen d’un compteur Geiger-Mueller. — R.(5) C’est, en d’autres termes, le flux vital sous la peau et au-delà. Est contre le mensonge humain coercitif et réclame la liberté d’expression. Les orgones refusent par conséquent tout discours pour préserver leur liberté, bougent librement, s’empressent.


5 – R. pour Reich, «Glossary», dans The Function of the Orgasm: The Most Revolutionary Book About Sex Ever Written, p. 370.

Rosa Van Hensbergen
Traduction par Marion Breton, Marty Hiatt, et John DeWitt
Cahier spécial poésie Anglophone
Revue Pli, numéro 08, 2017

Pli n°8
Écrit
Rosa Van Hensbergen