La terre pilée de rase sèche
l’herbe rude
d’un nulle part au milieu
du village
est le seul lien que je figure dans ces heures comme ça
comme ça.
Je ne te dirai rien parce que c’est plus facile pour moi.
De rien te dire.
Je garde le risque pour plus tard.
Je bougerai pas de ce trottoir.
Nous habitons dans des murs
nous habitons dans des mesures
nous prions dans les édifices les plus hauts
nous mourons dans les plaines plates
nous vivons de longues années dans des maisons
nous attendons le jour où elles seront mieux,
nous nous accommodons de fortune
nous dormons à même le sol ou nous dormons sur des
mémoires de forme
nous apprenons à dormir.
Nous aménageons les formes avec nos yeux qui choisissent,
avec nos bras qui fonctionnent, avec le geste de l’habitude.
Nous vivons avec des habitudes qui aménagent les formes et nous
nous accommodons, des autres, de nos pays, des forces exercées
des uns sur les autres. Nous allons avec nos corps nous encurioser
d’ailleurs avec toujours de l’envie.
On accroche l’ailleurs en espoirs, en débordement par-dessus et
par-dessous et ça marque les murs que nous habitons,
nous sommes les encres fortes qui remplissent les murs de leurs étrangers.
Nous débordons d’en-dedans sur les murs qui s’arrêtent.
Aujourd’hui, plus personne ne sait où se mettre.
La rue mène d’abord à la rue.
Elle emmène d’un bout à l’autre de la rue, rien ne peut se grimper depuis la rue.
Il se peut de traverser les bâtiments de la rue.
Les bâtiments regardent, ce qui va d’un bout à l’autre de la rue.
Il y a des difficultés propres, des surfaces lisses,
et le corps qui suit.
Derrière ce mur il y a du lierre qui court depuis tout en bas jusqu’ici,
il y a une vue, celle que je ne vois pas de là.
Le lierre est dedans suspendu, je le vois tout entier quand je passe
dans la rue de derrière, celle avec les pavés. C’est très calme et tout au milieu.
Quand je regarde d’ici, je peux voir que là où il pousse, il y
a une surface sauvage, un endroit sans maîtrise, entre là et la
cour, beaucoup plus en bas. Cet endroit est silencieux, quand je
me penche bien je peux voir la surface et regarder ce qui pousse
dedans, il y a un chapeau de paille. Il a beaucoup changé
depuis que je suis là. Nous sommes peut-être trois à
pouvoir voir cet endroit mais personne n’y accède. C’est au
milieu de la ville et personne n’y accède. De chez moi je peux voir
la multitude d’espèces emmêlées les unes aux autres et le chapeau,
avec le silence tout au milieu.
Là je peux dire maison.
Et je comprends ce que cela comprend
dans le monde sur sa pente.
J’ai pris la route principale, j’ai suivi les aménagements, fait comme si les oiseaux ne volaient pas et qu’un arbre était obstacle. J’ai suivi la route principale et j’ai tu ma voix dans la vitesse, j’ai concentré mon regard pour adapter ma course, j’ai mis des mots sur mes palpitations d’émois, j’ai vendu mes mots. J’ai pris la place qu’il fallait dans des salles d’attente. Rationalisé mes pensées et ces gestes compulsifs qui font de mes nuits des transes indomptables. J’ai tu mes nuits, j’ai dit oui et pardon, j’ai rencontré des émeutes et j’ai pris des hauteurs sur les corps, avec une idée de vitesse. J’ai pris la route principale et égaré mes fils rouges et dorés, ceux qui nouaient mes cuirs, bois et brindilles d’ossements, glands plumes pierres, il me fallait peu de choses et rien de vieux. Être de ceux qui composent mon temps, de ceux qui s’exposent à la ville à la rue aux écrans, être visible avec ce qu’il fallait changer oublier égarer derrière, j’ignorais que ces morceaux feraient des repousses, le oui en feu du dedans a pris un coup de vent. Laisse le vent.
Encore du repos et attend.
Pauline Weidmann
Revue Pli, numéro 10, 2019