Avec les autres à côté

la bête humaine

Je suis la bête humaine — sans classe — sans respect — l’animal qui traîne et déchire — je suis la bête humaine — celle qu’on n’attrape jamais — celle qu’on apprivoise d’amitié

Un biscuit si tu donnes la patte — une clope si tu donnes un dessin — un tchitchi si tu donnes la chatte — es-tu un animal bipède ? Quadrupède ? Palmipède ? Pédé ? Pépé ?

Souviens-toi que le tout premier souvenir de l’animal que tu as eu c’était l’image d’un truc qui gueule — toutes les bêtes gueulent — hénissent, aboient, parlent, cancanent, croâssent — les bêtes foutent le bordel — la bête humaine fout trop le bordel — quelle bordel partout où elle se trouve — des cendres partout — les cadavres de bières — et ça gueule des chansons et des insultons — et ça fout le bordel — des bouts de chiffons qui traînent — le papier partout où elle se trouve la bête humaine — la bête humaine en slibard c’est beau — et c’est la première fois que je dis « c’est beau »

Mammifère ? Reptilien ? Reptilien extraterrestre ? Ovipare ? Vivipare ?

En vie — et blagueur — tiens une blague — c’est un instit’ et deux stits’ qui sont sur un bateau — l’instit’ tombe à l’eau — qui reste-t-il ?

Les deux stits’ !

Et que font-ils ?

‘Sais pas

Ils touchent les deux tits de la fille qu’on a oublié dans l’histoire — je suis la bête humaine — celle qui se retourne lorsqu’elle dort — celle qui changea les classifications naturalistes — tel que : le plus grand royaume auquel appartiennent tous les êtres vivants de l’univers s’appelle — les fleurs — tout le reste n’est que sous-genre

Les fleurs ne gueulent pas !

Alors nous sommes des sortes de fleurs qui gueulent — moi, chevaux, chiens, canards, grenouilles — nous sommes la bande des fleurs gueulardes — des jolis goûts-fleuris — des gouafrouniers braillards — et je suis la bête humaine la fleur qui se retourne sur sa propre tige dévorant comme le tigre son existence par elle-même

Je sens poindre le poète en toi

Je sens mon poing de patate sur toi — je suis la bête humaine

C’est Ballot

Ça me touche le malamonde — allons molomaliser toute la journée pour oublier choubi chérie — allons au concert du silencium — allons dîner ensuite — en tête à tête pour ne pas se parler

Vous êtes des effleurés de l’esprit — tout vous effleure — je suis Baal le démon — celui à qui vous avez donné ce nom — celui qui court comme un dératé — celui qui attire les rats à la flûte — celui qui rate ses dessins — celui qui file son chemin — celui qui tire tout en pure positivité — même dans l’ignoble — c’est toujours moi qui chante



Tu marches sur des morts, Beauté dont tu te moques ;
De tes bijoux l’Horreur n’est pas le moins charmant,
Et le meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement
Dit mon pote Rimbaudelaire

Quel sale type — qu’il est sale — beurk-caca

Je te touche la chatte en fumant mon teuch — je tue ton copain — et je continue ce chemin — jusqu’à ma mort — jusqu’à ce que vous n’en pensiez plus rien

L’amour pour lui c’est beaucoup dans moi — l’amour pour moi c’est finit dans lui

Tu peux me briser le cœur — c’est une partie de ton humanité

le poème pour les valides

Ce mec

Il criait des slogans de la faible dialectique « « des éveillés/des endormis » »

Il courrait avec les flicoculs

Il regardait l’horizon qui n’en finissait pas

toujours avec les flicoculs

Il sentait le pet dans le froc qu’à chié le flicocul

Il touchait le sol et la matraque du flicocul

Il entendait les sirènes de camionnettes de flicoculs

Vive les valides !

De ceux qui courent et qui courent

de ceux qui partagent leur point de vu

Vive les valides !

Moi

Je n’ai pas de jambe à mon cou

Mes yeux je les ferme en pensant que c’est ce qu’il faut faire pour dormir tout de suite

Je sens le sang dans mon pif

D’ailleurs je sens à peine mon pif

J’entends surtout ma poésie d’un coup dans le nez

Vive les hommes troncs-sourds-muets-aveugles !

De ceux qui font passer le dernier sentiment supportable

Celui d’aimer et de tenter d’arriver à l’autre de toute manière

C’était le poème des valides

L’histoire de ceux qu’ont gagné la grosse part totale du réel

Et celle des autres à côté qui n’est pas racontée

Ceux qu’on patate véritablement si vous cherchez une vérité quelque part

Jocelyn Gasnier
Revue Pli, numéro 05, 2016



Pli n°5
Écrit
Jocelyn Gasnier