visite presque indolore dans le salon
ça a blanchi l’ordinateur
l’évier souillé de nourriture molle
mais la table impeccable
je tire la chaise vers moi
je réveille la faim
des gâteaux napolitains
quelques noix trépanées
le manque d’argent
et ma main
tendue
pelée
tripote d’immobiles photos
d’un lieu que j’ai quitté
hier et toujours
je ne sais pas
on dirait
la maison des punaises
une chambre caillée
un lit d’ami
ou l’hôtel room
si j’ouvre la fenêtre
ma vie n’amplifie pas la rue
mais une ligne dure
que cherche-t-on à faire
à dire sur terre ?
longtemps
j’ai appris mes leçons par cœur
quelques fragments éteints suffisent
mais maintenant
je sais me reposer
le plateau ne donne pas de solution
retourner le plateau
éteindre mon ordinateur
claquer la porte
aucune vie n’est miniature
le malade peut tout
peut tout
tout
trahit de l’intérieur
il voit tout
le malade peut tout faire
il sait tout
quelqu’un qui tousse est bien quelqu’un qui sait tout dire
avec deux poumons noircis
la langue et les dents démolis
quelqu’un qui tousse est bien quelqu’un qui a tout dit
dernière dent
dernière peau
dernière bave
les fleurs déterrées comme inconscientes
la tête l’est aussi mais n’ouvre pas
mon monde est toujours
un commerce avec les fantômes
au dessus des toits romains
une hirondelle jetée dans l’orage
très peu de plumes mais les os gonflés comme noyées dans le lac
avec sa bassine de vers dans les joues
un soir la mer s’est retirée
laissant sa troupe dans la victoire
elle a baisé nos fronts
maintenant regardons l’intrication rapide de ce qui est joli
douceur des saignements
des guérisons
enfermement des murs
plafond
rébus
jésus dans les bras d’un plus grand jésus
comme la lame prise du mur on regarde la voûte
linge et paix séchés
la raison essaie
pansement de loup sur plaie rieuses
pendant un an pas d’amour
comme une feuille
de silence un long carême
en tenir un considérable
mais le mieux serait de ne rien dire du tout
qui se souvient de la malice
en haute et basse enfance
satan est né sur un caillou
dans la bouche des enfants comme aux chiens
à cinq ans même pas
j’avais une couronne de fer
la poitrine creuse et les jambes ocres du criquet
enfant j’étais ce personnage d’enfant
aigu et avare
avec des cris sanguins
j’assommais les corbeaux rebouteux
je savais que ça existait
la mienne
le reste de ma vie
je voyais le mur me renvoyer la balle
un mur tapissé de murs
plus épais encore que l’aquarium
ce mur forcé de devenir ami
on est forcé de devenir ami
comme avec les amis
quand l’arbre arrive comme un drapeau
laisse sécher tes nerfs au vent
le vent quand il passe fait venir l’existence
le vent vide les nuages comme un boucher
la grande teinte du ciel
la couleur bleue
la soif
qu’elle redevienne un jour de mandarine
si le soleil perce le sol je suis là
le soleil donne la même peau
pas les ailes
êtes vous là avec moi
à vous héler vous aussi
là encore
à écouter la voix qui maintient un nom en altitude
m’avez vous vu partir
les mains prêtes
les yeux sous le front
deux trous sous le front
j’ai attendu longtemps dans la colère
puisque je sais
de tout ceci je ne suis ni le monstre ni le refuge
mais du lit absent
quand je pense à ceux qui dorment la nuit
aux gouttières pleines
à la recluse
au silence argenté des fouilles
aux aléas du béton
quand je retombe dans mon lit
je trouve un diamant dur qui me sert d’aplomb
et si je tombe
et si je meurs
mortalité ajoute ce sont les pieds du lit
je me rapproche d’un raccourci comme le soir rend visite
je rêve
je ne peux pas être menacé
je m’endors fumant dans le lit blanc consommateur
souriant idiot mais juste
comme au cerveau la migraine brutale
l’échelle est un jour
fin de l’observation
ce matin
pas une patience impatiente
c’est que
sous la patience des volets
j’ai peur du jour luisant
se prémunir de complices comme
silence de criquet
et rester dans le noir
les yeux couverts
demain
déplier les volets
heureusement que la neige n’attache personne
avant que le mercure tuméfie
corrige le jardin monochrome
mine de sève gèle
la pluie battante
l’hiver dans le bois nu
j’étais le verrier d’une page blanche
je déhanchais le rouge des branches
os contre os
contre os
quand elle mange
la ville se fend d’une lame
c’est le mur pour que ne pas tout parle
c’est la rue pour contenir les corps
tout ce qui est tactile est carapace
mais le mois dernier
cinquante promenades identiques
immense effort d’ensemencer la ville
foule mêlée de résine
transport
nous étions là
là
ici
quelques minutes avant l’orage
je suis venu comme le touriste
les poches pleines d’argent
sans imagination
dans les livres d’évadés
riches en photographie de couleur
riches en départ
la présence contient déjà l’adieu alors
j’ai pris le sel de petit sorcier
semé et enterré partout
sans visage
la ville serait un acte minuscule
pas plus qu’un escalier
ou le rêve d’un rat
un torrent
un port
jette un souvenir archéodense
le maritime
à la bordure du cirque les tonnes tiennent calmes les vagues
sous la mer et vers le temps
c’est de la masse qu’il faut parler
je cris
je me bas
je suis dedans aveugle
mais je n’ai rien
nu et sang circulent comme le rire
je pince mon océan pour l’éveiller
l’océan cellophane
tous muets
ses journaux transparents
ses mouettes concentrées
en un point leurre
ou memento
hormis ce monde
mon monde
de monde mondial et personnel
on peut devenir sans arrêt dans le marécage
écorce infectée, promise
avec le jasmin
Clément Villiers
Revue Pli, numéro 11