Des désirs déserts

nous ne sommes plus

sentence de cran d’arrêt
pointe l’œil

dans la tâche

de ce qui ferme ses portes

à coup de gouge

la distorsion

décalage qu’on enlève et remplace

des deux côtés

vaincu

on mange dans le noir

branchement irrationnel


nous emmène
obèse du sang croître

la sphère de l’accident

où des jours
pendant vingt-quatre heures

des nuits

au mitard

de la réalité
sur six cent kilomètres

passés à dire non

coma notre corps

le motif humain
du vêtement qui nous porte

tempes bourdonnantes
le vertige

impression que dans le crâne
un frère

appelle à l’aide

et déjà vivre est ce
balancier permanent

ligaturé au fait de croire
qu’on est soi

et seul

dans un larsen

continu chaque jour

s’effondre

à en vomir
des morceaux de normalité

la destruction des corps

qui connaissent leur histoire

avant même
d’avoir été frappés

bleus des portes closes sur la peau
dans lesquels on tourne

avec dans la gueule une béance de verrière
où fuir

ce qui se fissure

agrège au monde

des gestes blessés

en travers
d’autres os sans sens

le jour détruit par son prédécesseur

des hommes
avec des lampes

signaux quelque part


oui

derrière les portes

donnant sur le vide
disque rayé tourne en boucle au fond
de crochets

se détachant
de crachats

des cris disparus dans la traction des pierres réciproques

à la tumeur

une chaîne de vélo dans la gorge
fore

passage animal et pierre
d’obstination
creusée

où l’on est en train d’être

vélléité qu’à la peau
à s’arracher d’elle-même

dans les combles de notre bouche

on sait faire semblant

comment

continuer

notre apparence
d’allumette

pour un feu qui ne prend pas

hémiplégique
juxtaposition de hontes

anciennes

ombres aux frontières

au bouche-à-bouche

première
plèvre

puis toute une grappe d’hommes
la tête en bas


suivant le poids mort

qu’on est

affrontement
dans l’affrontement

une déclaration

gravée sur une planche entre les tempes

une métastase

un socle de chair

en biais des éléments du désastre

avec une poignée de sel jetée à l’endroit
de la déchirure

médiocrité pure

et des larmes qui n’émeuvent personne

à basse fréquence

une phrase
dont l’amplitude est l’anonymat d’un fil

relié aux reins

où les réservoirs du néant
fuient

multiplication de bras sans personne
pour les tenir

ou les aider
à respirer

en plein vent sous les hangars

un amalgame de terreurs en transit
sous la poitrine



parler est juste
du bruit

overdose à plusieurs

dans le travelling d’une errance

les mots sortent du sol
avec les bras d’un enfant de cinq ans

la tête

l’architecture d’interdiction

résume une caravane de muselières

Julien Ladegaillerie
Revue Pli, numéro 10, 2019



Pli n°10
Écrit
Julien Ladegaillerie