Données du réel (épisode 2)

le mercredi c’est moins vingt pour cent. moins vingt pour cent sur le défrisage. un nègre bleu haut perché au regard troublé comme d’un trait de lait. il mâchouille ses chicots d’une langue engourdie. mange sa bave. murmure rastafari akbar. quelque chose comme ça. une manière de créole redevable des efforts conjugués de cnn et de la mauvaise dope. pas des chants d’esclaves. ni des sonorités des conques à lambi. une horde d’insectes charismatiques dégringolent du haut morne. des moustiques pour lui clouer les paupières. les paupières ouais. comme d’autres se font recoudre les yeux avec une aiguille et du fil au noir. bien les cautériser. reboucher tout à fait la vue pour ne plus y voir. l’heure est toujours à communier dans la douleur. bien que selon des modalités toutes autres. justement des hommes lourdement armés viennent de pénétrer dans la zone euro. d’abord à la caisse puis au rayon charcuterie. le mercredi c’est moins vingt pour cent. ici votre publicité.

pute de mot. prometteuse de soirées ivres. ne m’enchante plus guère ou je te piège. inutile de t’enfuir je te rattraperai. nous ignorons les motivations de la magistrature. mais le transformateur edf a cessé d’être une option. au risque de ne plus défiler à blanc. de ne plus même prendre une bière en terrasse. reste le cannibalisme de gourmandise. ou a contrario le sexe neutre sans sécrétion. dénué d’éviction moléculaire. indemne de toute forme d’écoulement. un concept véritablement innovant. une idée excessivement neuve. pour celles et ceux qui répugnent aux jus et aux sucs. ce gisement-là oui. humeurs et fluides enfin jugulés. un vieux débat s’il en est. le paysage ou la danse. la transe de destruction sauvage. proprioception et rotation. je m’ébats du touché. des tours et demis en quarts ou tiers. à percevoir du geste. au jugé l’arc de cercle. j’évalue ma ronde chorégraphiée sur place ou presque. du bout des doigts pointe du pied. je délimite une zone de présence à soi. j’éprouve un usage jusqu’ici aboli du monde. le réinitialise d’un double clic droit.

depuis le temps. le temps long en saccades. le temps des appels et des cris en rappel. le temps grondant des ruades qui démènent. depuis ce temps oui. le temps qu’on se le dit. le temps que l’on se dit. il va falloir cesser de contenter. donner si peu à minima recenser. plutôt pour la collecte certes. mais elle aura si bien su nous décevoir. d’autant que le genre est fuyant. c’est un acte esthète mais il manque de bravoure. depuis ce temps. ce temps long à rompre des cous. on aurait pu légitimement escompter de tout autres résultats. aboutir à une conclusion substantielle. ou pour le moins à un ensemble d’hypothèses. suffisamment solides s’entend. sur lesquelles pouvoir bâtir une nouvelle dynamique. reformuler la situation présente. puisqu’il s’agit d’éveiller un avenir. à supposer qu’il n’y en ait jamais eu.

il faut avant tout que ce soit dur. très dur. il faut que ce soit brutal aussi. brutal et lourd. et puis il faut que ce soit strident. syncopé. impétueux. tranchant sinon métallique. régulier. rigoureux et sévère. il faut encore que ce soit saturé. excessif. insistant. récurrent. âpre et cru. rugueux et farouche. résolu et rageur. solide aussi bien sur. il faut que ce soit massif. très massif. on n’est jamais trop massif. massif et abrupt. répété et tendu. guttural encore. il faut que ce soit rêche. c’est peu dire. il faut que ce soit violent et raide. écrasant. distordu. accablant et puis féroce. véhément. métronomique. il faut que ce soit d’acier. hérissé. implacable. inexorable. il faudra d’abord cibler. ensuite atteindre. enfin percuter. frapper le noyaux dur. le noyaux dur qu’il convient d’ébranler. pour le faire sourdre. qu’il écoule son époque. son époque qui est la nôtre. qui va la devenir sous nos coups en échos. sous nos riffs entêtés. sous nos hurlements t’entends. parce qu’il faut bien que ça sorte pour que l’air circule. acide fente amère couche. maladives humeurs maternelles. désamoureuses mamelles de chienne mère faisant l’offrande puante de leur lait d’or noir et d’abîme. d’ici s’écoule un jus d’étable épais. lesté de billes de plomb. hérissé de clous rouillés. pissant son venin à pleins pis elle gave ses chiots du fond des chiottes. et la portée de se prosterner. babines folles membres bandés prêts a l’outrage. nos cris de chien-fer te dis-je. comme une manière de saccage. de mise à sac du monde tel qu’il est. et de toute forme de lyrisme qui pourrait y être associé. simplement. à grands coups d’aboies. amplifiés et distordus wah wah. destruction de la destruction. faire disparaître puis apparaître. que le nouveau monde soit à la marge. mais qu’il soit nôtre et à notre image. vif et impétueux. dur. très dur. on ne fait pas la révolution sans couper de doigts. au matin du vingt-cinq janvier le baron perd une phalange. acte de guerre asymétrique. elle ne repoussera pas. on la retrouvera dans une gare. dans une consigne. dans un paquet. dans un bocal. dans du formol. comme un poisson dans l’eau. mais mort. une pièce de viande aquatique. trop parcellaire pour monter au paradis. trop parfumée aussi. loin s’en faut.

il humecte son index et tourne les pages du volume. comme un grand. un type à lui seul. au reste que reste-t-il entre les pages. adossées les unes aux autres et étouffant ainsi leurs gémissements. et de tourner sans vue pour avancer. et de feuilleter à cru pour cheminer tandis que l’effet de liasse entrave le regard.l’examinateur à l’index retranche feuille après feuille. les rejette par devers lui comme on repousse un drap à la frontière. et malgré chaque réveil continuer de croire. comme s’il existait réponse non démentie. merci c’était il dit.

il dit prouve que tu n’est pas un robot. pas encore un robot. le captcha est en toi. pour ainsi dire à découvert. il n’attend que toi. cependant tu ne le trouves pas. c’est le mal du siècle qui ne fait pourtant que débuter. nous n’avons jamais eu si peu à offrir. nous n’avons plus rien à partager. vides nous sommes. nous nous en persuadons chaque jour un peu plus. c’est une performance. posture prétexte et cætera. parce que c’est comme ça que ça s’appelle. le sujet a les yeux recouverts d’une bande de gaze médicale. par ailleurs il est bâillonné. une boule dure de cuir entre les dents. il n’est vêtu que de sous-vêtements. du linge ordinaire issu de la grande distribution. pris en tenaille entre ses cuisses un volatile étêté. sans doute une simple poule. a priori une représentation de. qui le contraint à. à se mouvoir à. à pas raccourcis. à chacun de ses mouvements il se mobilise à l’excès. un souffle court s’échappe de ses narines. et souille de salive le globe luisant qu’aspirent ses lèvres. il ne respire que de sons légèrement obscènes. tandis que ses bras délimitent l’espace de sa mue. atmosphère pâle de chambre froide. de la carcasse animale s’écoule un alliage de sang dense. de tissus organiques plus ou moins épais. le soubresaut du corps supplicié ne lui appartient pas. évidé à l’extrême se montrer jusqu’à la nausée. pour chaque scène de chaque geste devenir l’étranger. confer la colère de l’orgie. son public est diverti. il faudra intégrer y compris ce que les voisins dénoncent chez les autres. de la suspicion à la délation. un florilège complet de ce qu’ils leur prêtent. les deux symboles. d’abord le drapeau ensuite le feu. toi tu t’appelles qui. et tu trafiques quoi. retranché dans ton deux pièces kitchenette. toute la foutue sainte journée. aussi nu que le silence qui règne. les yeux rivés sur des pages internet. à scruter le flux continu. djihad check. white noise check. real teen check. world domination check. propaganda check. boing boom tschak. le bruit de la terreur porcine. tu l’ignores mais ils le savent. ils témoigneront bien. à la perfection même. alors forcément. dans ces conditions et grâce à la participation de tous il n’y a plus d’autre alternative pour le forcené que. la reddition pure et simple ou le baroud d’honneur. bien. il a bien été tué. ou il le sera à n’en pas douter.

mais quand j’appuie là ça rien. fonction dysfonction. et quand on parle ça vibre. j’ignore pourquoi ça grésille mais ça interfère. ça perturbe sur les ondes. le code doit être instable ou le capteur en rade. le disque dur à la ramasse et la hotline ne répond pas. à quand le voyant rouge passant au vert. à force de la bidouille ça clignote. comme si le tactile de l’écran. cut. ou la fréquence de l’émetteur. cut. ou encore le puk du code. cut. du code de la carte sim. cut. comme si ça ne voulait pas. du reste ça vient de sonner. de biper pour être précis. et quand ça bipe c’est que ça foire. ou que données enregistrées. mais là c’est pas le cas. écran noir. bug. et cependant je suis en marche. et pourtant mes fonctions ne sont pas avariées. loin s’en faut. mais sans sauvegarde. cut.

cela étant l’orateur ne devrait pas parler. juste prêter ses mots. les écrire pour les confier. il ne devrait pas raconter d’histoires et pourtant il parle. il s’est décidé à parler. on ne sait comme. mais ses propos n’ont pas d’adresse. c’est qu’il n’a pas l’habitude. une éclipse dissimulée au fond du regard. il échange avec lui-même. il se dialogue et partage avec soi des éléments de langage. le manque d’usage ça. des éléments de langage qui excluent les interlocuteurs. qui proscrivent toute rencontre. se faisant il communique à notre encontre. sans doute même sans le savoir. mais à notre encontre tout de même. où il est question de devoirs et d’efforts. oui il va falloir faire un effort. tester nos possibilités d’effort. afin de juger de nos capacités à l’effort. un effort contraint. sans autre effet désiré qu’être mis à l’épreuve. il va falloir faire un effort. jusqu’où aller dans notre effort. dans cet effort suscité et observé. sous haute surveillance analysé. le produire et le tenir. un temps donné à l’effort. qui lui est spécifiquement consacré. et dans lequel il convient de se maintenir. maintenir l’effort produit pour pouvoir juger des limites de cette production. il va falloir faire un effort. il dit jusqu’à ce qu’effort s’en suive. à notre encontre donc.

ou alors postulons la scène inverse. nous les observons en pieds. elle est plutôt grande. légèrement plus que lui. d’autant que ses talons. elle est vêtue d’un body de cuir noir. plus certainement simili. doté d’une fermeture à glissière située à l’entre-jambes. ses cheveux légèrement crêpés sont bruns. ses bottines sont noires. ses cils sont maquillés de noir. ses lèvres sont peintes en noir. ses ongles sont vernis de noir. ses rêves et ses envies noirs tout autant. son corps est musclé. plutôt harmonieux. cependant elle est âgée. on le devine à certains affaissements. de ci. de là. disons une milf. avec à son flanc une plaie comme une bouche fardée béante sur une langue araignée. à ses côtés. lui tenant la main avec distinction. il a les cheveux courts coiffés en arrière. il porte un denim coupe droite et un marcel de coton blanc. il est svelte et élégant. naturellement élégant. il doit être musicien. pop dandy. la scène est figée. aucun des deux personnages ne bouge. ou alors si imperceptiblement. lui semble ne s’apercevoir de rien. elle pourrait être équipée d’un gode ceinture. mais cela est inutile à la démonstration. à nouveau notre hôte aime ça. mais à quel prix.

Johan Grzelczyk
Revue Pli, numéro 06, 2016

Pli n°6
Écrit
Johan Grzelczyk