passionné de ftbll / j’ai vu mon premier match au stade à sept ans / psg-chelsea / au cours duquel drogba a inscrit le coup-franc du zéro-trois devant mon virage / j’ai senti cette même année le parc vibrant et en colère après la défaite contre le cska moscou / avec ce fameux triplé de semak qui une fois chez nous n’a plus rien fait / j’ai vécu les années difficiles et les années heureuses / et souvent une même année était les deux à la fois / difficile et heureuse / la saison réserve son lot de joies et de désillusions amères / mais peu à peu / le ftbll / sauf quand j’allais au stade / (abonné au parc des princes avec mon père depuis seize ans maintenant) / a commencé à m’ennuyer / surtout depuis la crise covid / il y en avait trop à la télévision / sur internet / et je regardais les matchs sans toujours y prêter une attention soutenue / il s’agissait plus de passer du temps devant un écran que de savourer un moment de sport / d’autant plus que dans le star system parisien / la passion et la fougue sur la pelouse ne sont pas constantes / et c’est un euphémisme / qui plus est, la coupe du monde au qatar / tout en faisant rejaillir le mépris culturel dont souffre le ftbll / (patent dans le milieu dit intellectuel) / a soulevé des problèmes éthiques / présents depuis longtemps / mais qu’il était impossible dorénavant d’ignorer / ce monde d’argent et de violence / d’inconsidération sur tous les plans / peut-il encore laisser une place aux émotions des fans et des joueurs / oui / dès que le coup d’envoi est donné / on change de registre / de paradigme / et la passion peut s’exprimer pleinement / de la ligue des champions aux matchs de district que je fais avec la celle-saint-cloud en d trois / dans la ligue départementale des yvelines / au cours de mes études / ma passion pour la poésie a rejoint celle pour le ftbll / et j’éprouvais une frustration à les sentir parallèles / comme si ces deux tendances / toutes deux participant de l’évolution de mes esprit et corps / de ma sensibilité et de ma réflexion / ne pouvaient pas se rejoindre / comme si elles étaient destinées à ne pas avoir de contact / or la poésie et la vie / comme le ftbll / sont sports de contact autant qu’arts / pour relancer ma passion pour ce sport magnifique / pour retrouver la dignité et la beauté du match / qui constitue selon moi la vérité valable du ftbll / et pour nouer ces deux tissus primordiaux de mon existence / j’ai commencé en ce début d’année à écrire des poèmes pendant les matchs / de brèves notations rythmées / inspirées par les ambiances / le contexte / les faits de jeu / le déroulement de la partie / des commentaires autour de moi / une contrainte / employer le moins possible / au maximum une fois par poème / des mots ayant directement rapport avec le ftbll / noms de joueurs / ballon / crampon / tacle / tir / même passe ou centre / etc / dire le ftbll avec des mots non spécialisés / pas de rimes ou de beaux alexandrins / même si beaucoup se glissent par coquetterie / inspiration ou formalisme / syntaxe perturbée / qui évolue au rythme du match et selon les phrases / expressions qui jaillissent dans mon esprit de manière plus ou moins impromptue / pour dire le ftbll du présent / une poésie au présent / voici mes premiers poèmes / ftbll v.1 /
04/02/2022—-quatre enfants – quatre enfants : score inconnu
voilà / allée pietonisee dans le cœur de
paris / les enfants se ruent sans
composition / appuis brefs appuis courts /
voilà / seul en arrière / voit sans jouer
mais pas sans jouir / les yeux dirigent /
essayent / mais / le désir n’est pas
performatif / il l’apprendra / en attendant /
le regard érotisé participe au chaos sans
pouvoir être renversé / derrière rien
encore / la joie devant la joie partout
toujours impossible à défaire
04/02/2022—-PSG – Toulouse : 2 – 1
ok la scala / pas d’eau pas à boire pas à
manger / qui lave qui / répétitions gauches
droites mêmes gestes mêmes mots à
l’intérieur les communications se
multiplient/ en l’air longtemps / y a pas de
mouvement ça joue / les mains dans les
poches / blessé encore blessé pourquoi /
coup d’œil coup de patte / arreté arrêté
arrêté l’événement comment balaie la
poussière comment le plein surgit-il du
vide l’enfonce se laisse prendre à ses
filets / le plaisir dans les combinaisons
multipliées accélérées / dynamite cuisses /
travaille-le travaille-le et remets ça 45
fois / jusqu’au bout quelque obstacle
pourquoi s’opposer encore à la toute fin
c’est terminé tu n’as plus d’espoir laisse passer
le lendemain je ne me souviens que de
cet homme blessé, seul au milieu, le
visage prostré contre l’herbe, comme si
celle-ci avait pu absorber les larmes de sa
résignation. Chaque fois blessé sans
qu’on l’ait agressé, sans qu’on l’ait
violenté. Blessé seul, par un corps qui ne
le soutient plus ; l’a-t-il jamais soutenu ?
14/02/2022—-PSG – Bayern de Munich : 0 – 1
lucy in the sky / c’est parti / les basses au
sol tremblant qui percent / dans l’air de la
fumée / je suis quand même très
amoureux de toi / dépecez-les mais / une
minute de silence pour les victimes du
séisme en turquie et syrie / respecter cette
minute ensemble / d’écrire les doigts
tremblent / impossible / ça brûle et
l’asphyxie / à vide courir / sans un élan / le
moindre coupé / de suite / après pause
impact un peu plus mais / coupé net /
sans danger l’objet entre les mains
glissant à terre / entaille / allume la nargue
des jubilatoires rouges fumigènes / tandis
qu’au centre / fluide rien / et soudain
soudain soudain la beauté convulsive / le
grand flipper s’emballe / et les jambes
percutent cisaillent grondent et saillent /
cependant se heurtent à / avant la fin
anodine / retour à sourds pas
19/02/2022—-PSG – Lille : 4 – 3
et dans l’air tranquille quelques oiseaux /
gris périphérique / rouge et bleu peu
beaucoup de noir / et de silence a / battu /
avec clair soleil entrouvrant les nuages les
yeux / clignent en attendant / tendu en
découdre / le jour d’après tout le monde
veut en découdre / dans l’air plus
d’oiseaux cloche poudres / et voix qui
tonitruent / dans un coin zoom sur dieu /
magie briseuse suprasonique de fonte /
dans chaque brèche rebonds d’éclairs / ça
y va pas de pied mort / jusqu’au fatal oubli
frappant ceux de l’arrière / elle s’élève pas
de repli / devant les images au passé
proche la bouche d’enfant bée / les
fantômes / en plein soleil les fantômes
fauchent / je m’autorise un arbitre de
merde / clinamen à bout / tendu en
découdre / et l’enfant de / bondit / puis
dieu le fils de dieu / est arrivé on
l’attendait depuis / longtemps trop
longtemps un dieu immobile parodie de
statue / mais / une seconde a suffi / pour
que tanguent et chavirent / quarante
milliers d’hommes
02/04—-PSG – Olympique Lyonnais : 0 – 1
de branches gris strié prologue
monotone / nouvelle école / ça y est la
petite a trois ans / samba merguez / deux
lignes s’il vous plait / deux lignes comme
un sourire mal autoritaire / deux câbles
dans la nuit qui la découpent / la mort joue
à domicile / virage feu et volcaniques
battoirs / naïves / et jeunes pousses
tondues par l’inexpérience / flottent
jusqu’au carré / couleur jaune sanction /
vifs / à nerfs / fébriles / ondes lentes /
plaisir peu / figé / froid / fumée cache
étoiles / agalactiques stalactites / ne se
fissurent pas / léthargie et peu parler pour
combler l’ennui / écrire pour combler
l’ennui / pas efficace / du tout / perdu /
raté / senator rythme et tête baissée /
extinction du domaine de la lutte /
précision stormtroper / j’ai beau / faire il
n’y a aucun liant la syntaxe inexiste / que
le néant à formuler nous sommes bien mal
armés / ça me fait même pas rire / juste
las / déconfit dans les minutes sans espoir
supplémentaire / raté perdu / zero / et des
feux passionnés d’artifice pour service
funèbre
15/04—-PSG – Lens : 3 – 1
l’estomac brûle couples de feu et de foi /
je croyais que tu parlais de la clim les
semelles crissent / pas de nuages dans le
soleil plein j’imprévois de souriants /
ravages dorés ravi de vous croiser / je
marche volontiers / contre le berger
stellaire dont le sang / coule tranché à
l’horizon / les foot poems peuvent-ils être
prophétiques / gringo qu’en ai-je à foutre
moi je viens pour la tension les étincelles /
le match / batterie faible il va falloir
s’économiser / se préparer et faire jaillir
vite / sous pression / espace peu /
pourquoi reviens-tu d’aussi loin / le
manque profond ou un coup de tête /
quelques frissons à la limite / sphère
inanimée comme une coloquinte bosch /
sans monstre la confiture a quand même
coulé / plus inattendue qu’un coucher de
soleil ne l’avais-je pas prévue / la nuit
tombe le cours des choses change / mais
les courses restent lentes et rares / entre
l’élu et le vieux les communications ne /
sont pas aisées jusqu’à la toupie de haute
précision / la vie vrille un saut fier avant la
banderille / et c’est le festival ! / oui vous
ne l’entendez pas toujours mais souvent
je m’exclame / là un peu plus fort que
d’habitude / en espérant qu’on
m’entende / tout s’accélère je pense / à
nos étreintes et ces emportements here
we go / ça gère / mais à / petits pas et la
main trop levée / punie / comme mon
meilleur ami quand j’ai perdu la mère de
dieu ça tricote / après l’avertissement / il
s’agirait de plier / dans la certitude sans
couette peut-on se réchauffer un peu / le
triomphe aide
29/04—-FC Torino – Atalanta Bergame : 1 – 2
foule aubergine et bruyante / un
thuriféraire fluo desorienté doit se faire
nouveau venu à l’odeur flottante du
graillon et des conducteurs / impatients
taureaux cambrés / les prochains samedis
tu t’assoies dessus / paroles à flux
constants / dans le concert des sourires
familiaux piadine e carabinieri / peut-on
écrire en vacances / sans tension / sans
enjeu / tentative quand même / être précis
toujours comme la semelle du jardinier /
précise constante / pour la beauté du
geste i just can’t get enough / ça chauffe
les écharpes et les flammes en l’air /
perspective grand angle les dimensions
diffèrent et l’œil s’adapte / tout droit
traveling sur soixante-dix mètres une
exception / tradition oblige privilège à la
dolce vitesse et aux pralines / ça balance
sans viser comme devant des toilettes à
la turc / sauf pour un trou soudain de
souris l’exception est-elle toujours la règle
en ces lieux / où scintillent numériques
des milliers de lucioles / plus belles qu’un
ciel de pluie noire / après la léthargie
quelques / velléités nerveuses droite
stridente mais les frissons / restent
causés par le froid / le vin / blanc ou
bordeaux / est congelé / de ce code
couleur as-tu la référence / moi c’est
con / je l’ai / meilleure que mes pun
pourris je me dois de louer le juke box /
bien plus varié que le jeu / de l’oie
boiteuse et de sa balle jaune / flipper trois
bandes tout s’emballe / tremble / plus que
l’œil vite et s’époumone / comme blé
fauché / s’agite bouscule ai-je le / non / il
faut frapper plus promptement je n’ai plus
le / rapides pieds plus que doigts /
visiteur règle la clim à coup de marteaux
music turned off
Léo Dekowski
ftbll v.1
extrait inédit, pour Pli.
Publication web, janvier 2024