Infinir

—–minimum ce que tu es éjecté toujours moins te détourne la réalité en face
te regarde dé
—–tourné ce temps en toi nécrose tout ce temps à pétrir ta nécrose nous
agresse de ta présence
—–ne vais pas te faire la morale dit-elle parole mouillée jusqu’à la tête
dedans ta vie comme on la voit tu
—–je ne rien du tout ma vie pas vue depuis longtemps ma vie ma nécrose tu
dis que dis-tu d’où parles-tu de quoi laisse-moi
—–poursuivre n’est-ce pas censé ce centre diffus qui m’exprime anhumain
me ramène minimum où se ressent vif
—–ma vie moins humaine d’être parmi vous à la chercher aux confins des
autres et de tous ces morts se relever avec tous ces morts

—–d’un tison fouir la cendre rougie à son centre
—–n’ai-je pas droit de désirer ce feu rendu à sa rage de prendre le temps de
vieillir à l’orée de sa flamme
—–inquiet de ne plus trembler vaciller sous l’émoi de l’oeil les nerfs à la
mort sensibles à ce qui lui tient tête

—–ayant poussé des racines d’ombres crût au défi de ces racines en dépit
d’elles et malgré la lourdeur de s’élever

—–noyau de fusion fissile où croisent les temps te tirer vers moi toi qui aussi
brûle la soufflerie au coeur instante
—–soleil vorace enfant la fin dérobant mon corps à la peur l’insupportable
vivisection l’univers glisse son corps froid me vide
—–ce corps étrange vue reprise avant respiration du corps instinctif faites
que ce feu aie raison
—–que ce qui se ravive quand le vent à force de le souffler me garde hors
du regard en face de leur réalité où la mort est dénie démise de la vie
—–cécité son regard pas même la somme de leurs regards assommés mais

—–on me dit cendre de quoi tu parles je suis vapeur charbon pétrole vent
soleil cargo sur la mer avion dans les airs qu’es-tu
—–boue amorphe sur notre voie nos traces de pas la tâche de ton corps
partout sur mes pompes n’as-tu pas honte de
—–freiner notre avancée tu ne fais que stagner je suis cendre tout à fait toute
à l’œuvre toi faible flamme effrayée
—–par la grisaille au point d’étouffer à tout vent tout le temps emporte et
déporte le monde de cette planète

—–ce que je touche de mes doigts me délitant déliquescent rejoindre l’ordre
ferme les mains souffle dessus l’haleine de glace
—–cendre à perte de repos du coeur de la bouche dans ma gueule fermée tant
de temps la langue
—–aux dents recouvertes attelée bombant la lèvre sous je ne vois pas ma tête
ce qu’il y a dans ma tête je crois
—–toujours je crois qu’un quelque chose y loge que je longe me dit dans
—–mes pensées le vide la langue le longe fouille la palissade des dents
recouvertes de ce goût
—–si je parle comme au réveil mon haleine putride par la langue causée en
eux déliée de
—–moi aller retour sur chemin dérivé de monde le passant remplissant le
temps d’un passé allant revenant à l’infini

—–la cendre à la racine froide vue de boue ramené à la terre importune la
trace pesante sur corps pesant cadavre à leur mouvement
—–trace d’un mouvement pas le mien à l’origine de ce que je suis du
mouvement fissile immiscé autre au coeur soufflé
—–consumé comme craint les yeux écarquillés assaillis spectre d’une peur
inconnue
—–m’attrape se dissoudre dans les choses dans la vue regard rebondit boue
montée aux yeux le miroir grinçant autour du puits la flamme

—–où est le verre de la flamme la mettre à l’abri sous verre me mettre à
l’abri du
—–retrait compact et sans air de la flamme tombante noire blanche flamme
soufflée noire et blanche
—–pas de forme pas circonscrite approchée à l’aveugle en aveugle pardedans
où la vue n’a cours
—–ne pas toucher au foyer à l’épicentre ne pas viser de face la cible entrer
écouter
—–dans les membres crépiter et trembler la flamme l’affoler de la frôler
passant en coup de vent
—–ce que c’est que vivre en aveugle au-delà de sa vue
—–de ne pas avoir à bout de vue embouti quoi qu’au bout du rouleau le
chemin continue d’un pas au-delà où parvenir à quoi

—–je sais de toi à moi que quoi qu’on se touche et comment jamais nous
n’aboutirons l’un à l’autre

—–jamais nous ne serons abouti l’un contre l’autre poreux à s’en fuir l’un
l’autre de l’un de l’autre
—–à se cacher l’un dans l’autre l’un à l’autre se masquer ne jamais dire
jamais appels d’airs noirs
—–brûle tout va bien jusqu’au-delà tout va bien continue le mouvement
après la fin ce n’est pas grave du tout va bien je t’
—–écoute c’est par ta voix c’est ta voix qui me fait sensible insidieusement
tu remontes mon sang d’où ça part vient quoi je ne sais
—–rien de toi se déporte fermé comme un caillot

—–nous ne sommes pas de ceux qui savent finir aboutir tant de passés à tant
de futurs nous
—–ne pouvons que continuer nos chemins sans fortune ni fatalité nos
chemins insensés
—–voies aveugles à tâtons de quoi environnent les racines glissées sous et
sans cesse tout au cœur


—–cendre écho de faiblesse que reste-t-il à faire de ce feu qui l’accroit et la
faisant s’en scinde

—–noirci d’une lézarde au coeur où l’autre m’écoute caillot jeté comme on
sonde est sondé arpenté comme en joue est joué
—–m’étant mis sous verre étouffant par la flamme sous verre enfumé aux
flammes le risque de l’air là l’intense de la brûlure vire-moi ce verre
—–dans la chambre noire ouvre la gueule révèle la couleur battante dans le
souffle d’une langue de feu ne t’emballe pas de n’emballe pas
—–cette langue encore à souffler de la subversion ses ordres de la révolte ses
normes à excaver


—–pour s’infinir encore et que notre attention soit sans terme

Romain Candusso
Revue Pli, numéro 09, 2018

Pli n°9
Écrit
Romain Candusso