Je plante
un gros clou dans mon
crâne. J’ai décidé.
J’ai voulu faire un
trou avec le marteau.
Je cogne. Ça rentre.
Ça veut rentrer
dans le crâne.
Le clou me perce.
La tête peut regarder
dehors. Elle peut
respirer de l’air.
Je peux enfin vivre
avec un trou en tête.
Pourquoi je n’aurais pas le droit de faire partie des humains.
Pourquoi on ne veut pas.
Que je ne fasse pas un bon humain.
Pourquoi je ne serais pas digne d’être quelqu’un.
Après tout.
Pourquoi on me dit qu’après tout tu peux t’en aller.
Tu peux sortir de l’humanité.
T’as rien à foutre là.
Tu fais pas partie des humains.
Pourquoi on veut que je déguerpisse au plus vite.
T’as rien à foutre avec l’espèce humaine.
Ta place est ailleurs.
Tu dois dégager.
Laisser place à l’autre.
T’as plus rien à faire ici.
Il faut décamper au plus vite.
Ne plus laisser de traces.
Tu es un obstacle à l’autre.
Tu dois t’écraser.
Demeurer l’écrasé.
Faire partie des morts.
Et même des morts tu ne feras pas partie.
Tu feras partie de rien.
Tu seras plus que dans le rien de toi-même.
Le rien du toi qui pousse.
Se pousse.
Pour dégager la voie.
Plus faire barrage au reste.
C’est-à-dire à l’espèce.
La démocratie ne respire pas
si vous ne faites pas des trous dedans
J’en ai marre. Marre de pennequin. Charles pennequin j’en ai marre. Marre de sa phrase, sa parole. Paroles en phrases, bouts de mots, points. Charles pennequin j’en ai marre de ses points, de ses virgules. Charles pennequin j’en ai marre de sa voix, sa critique. La critique en voix. Le cri et le tique j’en ai marre charles. Charles marre j’en ai de ton rythme et tes peaux, poétique du rien, du nul. Charles t’es nul. Y’en a marre charles charles pennequin. Charles ras le bol des phrases des mots tout ça tourne. Tout ça est tournant, donne le tournis. Charles ras le bol de tourner, et de parler de tournis, ou de quoi que ce soit. Quoi que ce soit ou pennequin. Ça ou rien. Charles. Pennequin. Phrases charles pennequin j’en ai ras le cul de toujours retomber où on t’attend, on t’attend là et t’y es, t’es là et y en a marre, ras le cul charles de pennequin. De ce que tu penses, et surtout penses pas, de ce que tu dis, et surtout dis pas, charles dis plus rien, et dans le dis plus rien charles encore trop, trop de charles, charles ferme là et dans charles ferme-là encore trop de pennequin, trop de fermé, et aussi trop d’ouvert, de dedans trop et puis de la voix, la voix qui va dehors, la voix qui veut sortir, la voix qui dit peut-être charles veut quitter la physique, peut-être charles veut se casser de pennequin. Charles ras le bol de pennequin et pennequin ras le bol de charles. Faites chier.
je ne sais pas si je vais encore me regarder
je ne sais pas si je vais apprendre à plus me voir
le jour où j’apprends à plus me voir je saurais me regarder
je regarderais le trou où je me suis parlé la dernière fois
la dernière fois où je me suis vu
j’ai essayé d’ignorer ma tête quelques instants
j’ai essayé de m’oublier en tête
quelques temps avant de me revoir
de me revoir en mots
sortis tout droits du trou d’où j’aurais disparu
disparu de ma vue
comme un
cloporte
nous marchons comme des morts, nous avons la tête basse, nous descendons à la pendaison dans la société, nous somme les familles de morts en action, nous nous dévorons sans savoir, je veux dire nous influons de la mort dans nos têtes, la mort nous permet de penser, notre action pue, notre détermination est puante aussi, honte à la vie, honte à ce néant qui tourne, il tourne autour de nous, il nous faut crever continuellement par nos actions.
Charles Pennequin
Revue Pli, numéro 03, 2014