La chute

À Patrick Mosconi

Le Temps de la parole commence
avant l’ouverture de la bouche
se clôt à la tombée du souffle


Le lièvre s’élance bien avant
l’ouverture de la chasse
pour achever son parcours
près de la vitre
où la mère ne reconnaîtra plus
son enfant


Précipité des pas et des pensées
dans le mouvement signifié des astres, semences, graines
pensées de plomb et d’éclairs correspondants
embûches sans liens
liens sans nœuds ni attaches
dérives observées d’un œil de héron à l’affût,
au fil de l’onde
dérives dirigées de mains d’enfants
depuis la rive
sans répit ni systoles
chute au frein des parois et des bords
à chaque dessaisissement du projet d’algue et de mousse
présence dans l’abîme


Fouiller le torse et sa flamme
fuir le rythme pour travailler
à l’énorme fanfare
évincer les limbes et désirer sans fond
parce que le vent attise les broussailles odorantes
fouiller la flamme et la laine à plein nez
sans dents et sans dedans
sans baumes et sans dommages
avec le fil qui dénoue les vieilles lanternes
et le plafond, rivé au plancher
entre les troncs et la brosse à reluire les ailes


Fouiller les ailes
filer la plume à la chance
et reluire le plafond de l’insomnie républicaine
enferrer la pressante nécessité dans le temps
enfermer le sens des lueurs
dans le mouvement du monde
et répéter le balancement
jusqu’à la lisière du divertissement
apprivoisé à la naissance


Après le fil de la vierge
et l’osmose des pendus
les araignées migratrices
criblées de becs et d’os
la crainte domestiquée des illustres
cigales en gueules de chancres
vertus ridées de perceptions
sans mal y voir
l’obséquiosité du pantin
étouffé de valeurs
ficelles dorées, évacuation de la langue
après cuisson des suffrages
et oboles de gloires inventées pour la vitalité du mannequin
abstinence d’aurore
en gage de dommages collatéraux
averses d’uniformes
cascades de protections rapprochées du hasard
réveil mortifère
et embrassement limité à la salive des serviteurs
diversion flottante du service rendu
à la communauté de l’extase
environnement facile du rire votif
gagnez les bras du tueur
orientez votre obsolescence
vers la cruauté divine
endossez les corps assourdis de vos mules à sabots
sur le rêve de leur liberté
gagnez les bras armés des petits enfants
couverts de brume
et d’éperons venimeux
abreuvez les bouches enfantées dans la boue
enfermez dans l’urne les vocations éphémères des lundis
les horizons abâtardis de signes
hachez la vie à rebours des institutions de morve
la bienfaisance sans visage
aura tôt fait de vous livrer
le meilleur de l’abîme

Tout s’échange contre le chiffre
laissez venir les petits enfants au chiffre
et associez les mères au partage
décelez dans le regard des vitres
le reflet aux yeux de cils
battez le blanc des yeux voisins en neige révulsée
et précipitez la chute.

Un essaim noir s’est arrêté sur le seuil
là où les vivants ne convoquent plus les morts.

Aout 2018

Jean-Raphaël Prieto
Peinture de Patrick Mosconi
Revue Pli, numéro 10, 2019

Pli n°10
Écrit
Jean-Raphaël Prieto