L’assaut des hommes singes

…Dans le bout de bout de pays méridional du chef des chiens en son palais, les chefs de l’atlantique nord firent une race sortir de la plaine pour rentrer dans la forêt. Elle était un bout de race qui débordait d’une ancienne frontière ferme comme une poussée de roche du feu du sous de sol née avant que le serpent ne mute en l’homme. De la forêt sortirent les soldats masqués de la grimace de bête à la gorge ouverte faite gueule, par quoi, du fond de la forêt, était la plaine faite entendre le cri ancien de l’animal singe en rut de sang, mirant de l’enfant la plaie virginale, ainsi que dans le tour de l’oreille de l’ennemi rêvant depuis sa nudité de nuit intime le sifflement de serpent. Deux ans que dura la paix les chefs de l’atlantique nord mirent dans le milieu de la forêt des hommes du nord qui y rassemblèrent ceux de la race jaillie de dans la roche qui, dans les villes de la plaine tenues par le chef des chiens en son palais du septentrion, étaient dans les écoles des musiciens, des professeurs, des médecins, des magistrats et qui déjà dans les caves la nuit au secret des yeux guettant avaient conspiré le rêve d’un soulèvement de leur race dans le méridion où elle avait, de millénaires assauts lancés sur elle depuis le palais, été conquise, et avait vu le bord de son pays, d’où elle était chassée par la jetée sous elle des charniers de sa chair, derrière elle s’éloigner, et ceux de sa race au-delà de la frontière d’elle se séparer. C’est ainsi que dans le fond de forêt qui, descendant des collines, bordait la plaine, les hommes de l’atlantique firent leur soupir souffler sous le tapis de feuilles où était assoupi le rougeoyant de charbon de l’os et chair de leur race massacrée en-deçà des siècles et que se souleva la fumée de volonté fumante soulevée par le vent de l’injustice faite sur leur face et ensevelie. Ainsi surent ils, ceux de cette race dont les flammes du souvenir savaient faire claire la voie de l’avenir allant à la vérité rétablie sur leur terre en la sépulture dressée sous le ciel de la plaine à leurs ancêtres, faire enlever leur chemise et sur leur torse tailler d’un galet fendu, de sous l’épaisseur du ruissellement trouvé, le trait fait de la cicatrice dont le bourrelet rosé est le signe de la promesse que la mort seule, portée dans le cœur par l’arme de l’ennemi manifeste, saurait faire que cesse l’accomplissement de la volonté tendue vers l’avenir où serait rétablie la justice de l’absence de quoi les morts étaient, sous le souvenir, en charbon froidissant sous le sous-bois et dont le tour, chaque siècle passant, se froyait en cendre avalée par l’humus en le ver passant dont la chiure faisait s’élever de la graine germinant le bout de poussée oublieux qui faisait la soulevant la feuille se retourner et voir son dessous terreux par le ciel. C’est ainsi qu’ils allèrent, grimpant à la cime des pins, et s’ensevelirent dans le chaud d’humus, au fond de quoi perçait au jour fait la petite marre aperçue du trou fait de la nappe d’eau dans quoi trempait, en faisant trembler la surface, la voix venant du souvenir exhumé de la cendre engloutie d’os brûlé. Se soulevant lorsque de l’orée l’aube, ainsi que de l’entre-cimes battant du souffle de vent en tout sens qui bat la plaine, infiltrait ses lueurs dorées et mauves au travers le sous-bois, et de l’échine l’eau ayant fait dormante au rêve parvenir le ressentiment de la voix des morts sous venant de la terre, les médecins, professeurs, magistrats de la race du massacre de quoi fut la frontière faite, allaient entre les fûts de pins tendus vers le ciel par la sève de sous le sol s’élevant et dont la vigueur en force étirée vers les astres vieillissait en faisant la pointe des palmes pencher sur le sol y déposant les grains dont l’enfance germinerait, le torse tendu vers l’orée d’où l’essart emmenait à la plaine, battant du sang butant dans lui de la cruauté du singe lancé sur qui a veillé sa vengeance et le faisant de sa nuit réveillé, en son palais du septentrion, le chef des chiens, par le frottement ensanglantant son rêve, au dans obscur de sa cavité duveteuse de tympan, des pointes de langues de serpent. Ainsi armés des crocs poussés, par la mélodie faite aux flûtes dans les bois des faunes de l’atlantique nord, dans la plaie de gorge faite gueule déglutissant d’un cri la rage de bête, ils furent faits des soldats allant au-delà de l’essart faire de la plaine la butée où, bête lâchée de l’homme demeuré dans le fond de la forêt, ils feraient dans la plaine la bête sortir de l’homme. Ainsi tels qu’après que le loup la nuit ait traversé la prairie le berger trouve ses bêtes sur le flanc égorgé, au lieu-dit Les Essarts, au premier fanal qui indiquait que la route allait au travers d’un hameau, et comme l’aube avait allumé le jour sur la plaine, la paysanne qui la première allait au pré vit dégorger de la gueule renversée d’un gendarme pendu par les pieds, le sang qui descendait en fumant par le ruisseau, et sur le ventre dénudé par son vêt débraillé dans l’assaut, tracé dans la chair sanglante, la signature des meurtriers comme le trou de la dent du loup dans la gorge du mouton. Une semaine durant semblables traces tragiques dans l’aube trouvée furent faite chaque jour plus au fond de la plaine. Si bien que nul dans l’étendue dégagée ne pût être sans l’effroi que faisait la nuit la certitude qu’un homme serait pris dans son foyer la gorge coupée, le ventre lardé et par les pieds pendu à un fanal tandis qu’encore sa lueur faisait une auréole sur la route qui entre dans le hameau. Si bien que de la plaine ouverte la terreur aussi vite que le vent ou qu’une nouvelle chanson alla au ventre du pays faire les cœurs se gonfler de fureur en face des crimes du méridion. Ainsi l’effroi des uns et la fureur des autres arrivèrent avec les sifflements de serpent sur l’oreiller du chef des chiens dans le septentrion que la terreur fit, tel le message à lui ainsi adressé par les chefs de l’atlantique nord, la bête au devant du torse s’avancer, élancée de son dans d’os et de chair et de sang, par son orgueil saignant de ce que les hommes-singes de la forêt faisait, renversant les cadavres accrochés aux fanaux s’éteignant, revenir la frontière au dedans du pays par lui gouverné. Ainsi ceux du bout de bout du pays méridional qui, n’étant pas de la race de ceux qui de la forêt firent fumer le charbon de morts non souvenus de sous le sol du sous bois, furent faits par l’effroi faire foule et clamer le nom du chef de palais afin qu’il fasse sur la plaine du bout de bout depuis le palais descendre les soldats-chiens de son armée afin qu’ils chassent dans le fond de la forêt les hommes-singes qui le jour y entraient se cacher dans les trous d’humus faits où au fond de quoi l’eau dormante du haut de nappe souterraine faisait, leur échine allongée, à leur rêve accéder l’appel souvenant à la justice de leurs anciens dont les os en cendre étaient montée avec la sève aux cimes de la forêt….

Pierre Chopinaud
Revue Pli, numéro 09, 2018

Pli n°9
Écrit
Pierre Chopinaud