L’indication est d’ordre intérieur

Il y a, dans le village de Tatchai, un saule séculaire. C’est là que les propriétaires fonciers, martyrisaient les paysans pauvres. Ils les battaient après les avoir pendus à l’arbre.

Le 9 août : deuxième jour de pluie. C’est la nuit que la pluie est la plus dense. Le matin la brume s’accroche aux arbres et au fond des prairies. 10 août : le navire-night un peu caché dans la brume. Cheveux salés, épingles noires. 13 août : perdue sous des fougères, et l’ange avec, et le chemin caché vers le champ de bruyères et le ruisseau qui coule au milieu. Couru sous la pluie, une pluie tiède et la brume, (le silence entre les segments fait partie du texte, comme dans une partition). 22 août, j’ai reçu Isadora, épaules et cheveux, et c’est nuit. Un peu, en transparence. Dernière semaine d’août : herbe très verte et grands arbres, étang, pluie quotidienne et belle, anglaise. Epaules, nuque, épingles noires et tissu de septembre. « J’ai imaginé la pluie et l’herbe mouillée ». 2 septembre. Je suis descendu au Pont Lagorce et j’ai croisé les moutons. Dans le talus un oiseau blessé. Dernières flaques sous les arbres. A gauche de la rivière, sur le sentier qui tombe au fournil, l’herbe était très glissante. Denis vient de mourir. Ce (cela) passe de main en main. Glisse sur la peau. Pénètre dans les veines. Mardi 8 septembre à 10h30. Je nage dans l’eau froide. Il faut que je reprenne la question des anges. La nuit vient, c’est la nuit, c’est nuit. Grands nuages sombres au-dessus des arbres. Pénétrer par les yeux. Deux oiseaux venus glisser sur la rampe (et le vent continu sur mon visage et à l’intérieur de moi entier). Ample cuve aux parois en surplomb de grès. Un espace épineux. Afin de cueillir les feuilles les plus blanches.

Une partie du chemin s’était écroulé sous l’intensité des pluies d’automne. Non, je n’avais rien à dire de cette folie végétale, de l’encombrement des jardins, de l’épaisseur et du silence des bordures. Non, rien. Il voulait, dans son cercueil, la partition de la cinquième symphonie de Mahler. Mais Denis était pulvérisé. Incendié, pulvérisé. Maintenant c’est l’histoire de la poussière. L’histoire poussière-lumière. Le chemin de graviers qui monte à gauche, qui tourne et tourne en spirale, ce chemin-là. Les partitions ne sont plus qu’un tas de cendre.

« Il n’y a que la forêt. Elle est là de tous les côtés. »

Le rideau est transparent, gris, de plus en plus foncé, mélangé à de l’eau en poudre. La nuit revient et l’eau continue de battre. Les serres, comme de grands miroirs couchés.

La musique venait de la forêt. Denis l’entendait, de plus en plus proche.

« La voici en effet, fracassant les arbres, foudroyant les murs.»

Jean-Marie Gleize
Revue Pli, numéro 04, 2015
Éclats, numéro spécial

Pli n°4
Écrit
Jean-Marie Gleize