Le geste est incomplet. Nous regardons les cadres, les tableaux. Nous faisons des choses. Des choses pourquoi. Nous faisons des cadres. Nous regardons les âges se repasser. Des images, notre difficulté à affirmer l’existence d’une image. Nous avons faim. Nous nous retenons. L’image n’est pas terminée. Envisager le monde, visage esseulé.
Feuille traverse la route. Feuille sèche unique bruit unique défile descend la route plate poussée par le vent. Feuille traverse le vide et l’indécence. Organe sec tombé de l’arbre tourne roulé par le vent et la chute poussée par le temps, feuille morte. Roulement fracasse le silence. Feuille morte écrase le silence de la route muette. Fracasse, froisse, hérisse. Visage esseulé, écœuré, amplifié, ampoulé. Visage coupé en deux moitiés du centre. Tranché visage. Creusé recouvert. Tâche ronde recouverte cercle peint. Visage écran. Surface mentale pleine fragmentée. Visage esseulé.
La ville est un village. Le village est une route. La route passe. La route passe par le village. Le village est traversé par la route. Et des voitures parfois. Rarement des voitures. Rarement des villages. Rarement des passants. La route est longue et traversée par le vent. Le vent longe la route vite. Le vent vite traverse le village froid. Le vent froid traverse le village par la route à chaque palier de porte c’est le froid, le vide. Le vent glacial qui balaye la ville et rarement les passants. Car les passants sont rares. Les passants disparus. Où tout passe du vide. Et traverse chacun d’un froid solitaire. Les voitures passent vite. Il faut éviter les voitures. Longer les murs. Pour ne pas se faire écraser contre le sol. Ou se faire projeter contre un mur. Murs froids route sèche maculée de vide. La route passe et le temps. Le village disparu. Le vide passant. Où les visages se cherchent. Rarement car peu. Se cherchent ou s’évitent. Car rarement. Peu les visages et les êtres. Où l’alcool coule dedans comme sur la plaie. Excentré au monde on se soigne. On apprend à ne plus se reconnaître. Fait de l’usure du temps. Chacun traîne son histoire. Il y a l’érosion et la coupe des arbres. Peu les visages ou fuient les visages. Ce sont les choses qui sont ainsi. La route qui nous traverse. On n’y peut rien. Passé la porte on esquive. Contre le froid ivre excentré. On feinte la mort. Nous pallions. De ne pas choisir son costume. Laisser tousser. Sa peau. Blanchir contre le vent pores solides crispés du gel. Tousser, éructer chercher l’air. Cracher la terre imbibée. Cracher la route. La vie rarement. On cherche encore l’image. On repousse la fin qu’on sait. Cracher la toux. Les mots présents. Il nous faut sortir. Traverser la route qui traverse le village. Les visages que l’on cherche. L’absence passante. Où le labeur de la terre est interdit aux fous. Des faces sans âge qui se marrent, marchent. Les allures parisiennes les croque-mitaines garés. Ici la parole à personne. Par où la grande route froide passe. Le travail a disparu comme la ville. On distille. On se présente. Même destinée, la terre ou la forge. La clef sous la porte au matin. Des êtres traversés. Alors s’il nous fallait garantir quelque chose, nous pourrions garantir que l’écart est creusé. Et je creuse. Village errant. De perte et de vues. Chacun sombre recoin. Le lieu ici. Notre spectacle notre commune et ses vieux chants. Les granges qu’il nous reste les tables communes. Humanité là. Rebuts du monde nouveau nous marginaux de vos lignes. Lignes de front dans les villes. Lignes de bave dans vos pages. Lignes vides d’amour contre toute fonction. Vie présente laissée traversée. Groupes. Sur deux pieds l’histoire notre, l’histoire rouge. Hors société dite. Couper. Couper net, court, sec. Éclipser. Obstruer. Passer. Ombrer.
NOUS SOMMES UNE FIN DU MONDE
Groupe Rembrunir
Revue Pli, numéro 05, 2016