La noyée portait un petit maillot noir.
Ils disent qu’il y a des renards en bas de la pente.
Les matins, elle soulève son coude avec sa main, elle atteint la nuque,
elle plie le chignon (trois épingles).
La photo d’Emilio Arauxo me redonne son geste. Et la fine mèche blanche.
Samedi est le jour du hammam. On dit qu’on va aux bains. La voûte me rend le bruit des coupelles d’eau et de la langue que je ne comprends pas.
Les grand-mères du hammam m’appellent ma fille.
On donne plutôt le nom des maisons.
De l’eau par la bouche.
Tous les jours elle voyait l’arbre qui grandissait dans la salle de bain, il était sur un caillou ; elle savait que c’était un chêne et que c’était un des deux arbres.
Je ne peux pas peindre mes mains, elles sont trop petites.
Les arrosoirs sont derrière l’église avec les fleurs en plastique, on joue, la terre est orange et remuée ; celui qui sonnait les cloches, non je ne le connais pas ; celui qui faisait l’enfant de choeur, oui, je le connais, il y a un mur gris, il dit qu’il est sourd, il dit « bieillei », ce vin dans l’assiette me dégoûte ; ce qu’il dit je ne sais pas l’écrire ; celui qui joue du cornet dans les mariages ; elle, elle joue de l’harmonium et ses yeux sont violets ; celui de Beyrié, celui de Fouch ; celui de Quitiou ; Juana pour la couture ; chez Molia ; Dupouy, Dufourq, mais les noms ne comptent pas ; seul le nom des maisons ; les quilles sont toujours là ; il y a cette affiche Butagaz sur la porte ; quand il y a des nids d’hirondelles ; il paraît qu’il y a des couleuvres dans la vigne cette année ; il est devant sur l’image ; une fontaine du Luy, je crois.
J’avais mis la robe rouge. Elle s’était collée à mes cuisses.
J’avais décidé de passer par le parc.
Des chiens m’ont suivie.
Bassin.
L’eau me coule par la bouche.
J’ai frotté tout mon corps contre le mur de chaux.
On dirait qu’on se perdrait dans la forêt transparente.
L’odeur de la mort dure jusqu’à ce que le papier peint soit refait.
Je pose la poudre légère rose sur ses joues.
« Pour ce prix-là, j’espère que tu suces sans capote », il dit.
On lui ouvrit le ventre et, sous les deux cailloux
Le fil à linge est au fond du champ des hautes herbes.
Il marche vite dans le couloir sans fougères.
Quatre couvertures de coton.
Je lui mettrai la poudre rose et fine.
Le nom médical est : « grande débâcle pré-agonique ».
Il nous faudra du crin de cheval blanc.
Les grand-mères du hammam ont dit : « Finalement, elle est comme nous. »
Il raconte avec le mot viole de gambe. Je laisse filer l’histoire. Maintenant, je descends sous l’eau. Je prends dans ma bouche toute l’épaisseur de l’eau.
Elle dit qu’elle lui a démêlé les cheveux jusqu’à minuit.
Je ne sais pas dessiner.
Son squelette d’amande sous mes doigts.
Invisibles, ils perçaient finement le sable pour prendre leur air.
Le geste d’après.
En août, la bande- son, interdit aux moins de douze ans.
Ça dit :-Caresse-toi. Pas comme ça.
[ On entend le bruit de succion. Il frotte son sexe dans sa main. ]
Ça dit : – Tourne. Ça dit : Montre.
[ Le bruit de succion. Il frotte très vite maintenant. ]
Ça dit : -Montre. Ça dit : Écarte.
[ On entend le jet de son sperme à lui s’écraser sur ses fesses à elle. ]
Cousez ainsi le contour des images en laissant le fond ouvert.
(Coudre le bois des bateaux avec des fils d’herbes)
Il lisait bouche nue. Une nuit venait. Puis d’autres. La lecture ne cessait pas.
Parfois, il faisait jour.
Plus tard, il y eut des signaux lumineux envoyés vers la mer par des pirates.
Peau et os frottés contre le mur de chaux.
Six ans. Elles vont ensemble. Il y a la mercerie des dames vieilles où on attend. Après, elle lui offre la robe blanche et souple, elle veut qu’elle soit belle. Après, elles marchent pendant 200 mètres et plusieurs ans. Après, elle lui offre la robe blanche et souple, elle veut qu’elle.
L’eau, si on la presse très fort dans les mains, devient terre, disait-il, et si on la presse encore, autant que cela se peut, elle devient pierre.
Sur la route, ses chaussures portées dans ses mains (no photo).
C’est l’heure où les hommes posent sur le sol (sur des cartons, parfois sur un bout de tissu), deux ou trois choses qu’ils vendent; ce soir au début de la rue, l’homme n’a qu’une chose sur un cageot de plastique : un pantalon en gros velours noir ; « marlboro, marlboro, marlboro, marlboro, marlboro ».
Derrière une vitrine, on peut mettre par exemple des putes, à Bruxelles
(pas des arbres, ni les gens qui sont des arbres)
J’ai tenu l’assiette creuse blanche qui recueillait le sang (épais) goutté de la tête des poulets. Je sais aussi qu’il faut d’abord assommer les lapins puis tirer fort sur la fourrure très chaude, la descendre d’un seul coup, cela fait un craquement, puis un pyjama de peau retournée, intérieur rose très pâle. Le réel va jusque là.
Souviens-toi aussi que je suis une des aveugles aux yeux troués de Pina Bausch. Mains ouvertes et touchant le mur.
Au bord de la rivière, il dit à la petite,
Mai/juin : saison des insectes bruns jusque dans les draps secs.
Il se dépêcha de mettre de la terre dans ma bouche.
« De l’or à tout heure ». Boulevard Sainte Marguerite.
« Salope, je vais te défoncer », éructa-t’il/ « Il le/la retourna contre le capot de la voiture et le/la pilonna ».
Il n’y a rien à attendre de la réfection de la rue de la République, 13001.
Alors il pleura parce qu’il n’avait pas pu assez jouer.
La forêt reprit le chemin.
L’océan, par en dessous.
Les sorcières, de rage, grattent-elles les murs avec leurs ongles ?
A 14 heures, le bitume céda. L’eau était jaune clair dans la pente. Les hommes étaient sortis des cafés, ils regardaient le geyser de plusieurs mètres, joyeux et calmes.
Nous remettrons nos boucles d’oreille quand nous serons nues.
On raconta qu’un homme s’était pendu.
Puis : un homme s’était pendu.
Une femme se pendit.
Le train allait lentement. Le chien courait le long de la voie, derrière la vitre.
Je peux être le sable.
Elle remonte le courant de la rivière. Ses chevilles se tordent. Le bas de sa robe est mouillé et lourd. Elle a une coiffure d’éternelle jeune fille.
Quand il n’y a plus de son mais que l’air pourtant vibre encore, du silence remué.
Je lui donne une pierre d’orphite parce que ça éloigne les loups.
Le père exigeait qu’elle portât cheveux longs châtain.
25/06/1930 : mariage.
26/06/1930, matin. Elle se lève. Coupe le long châtain.
A quel âge n’aimons-nous plus les bonbons aux fruits ?
Quelqu’un s’approcha et dit : « vous avez construit une cabane.»
Je marche sur des planches de bruit d’eau.
Le tiroir de la commode fut renversé dans la chambre.
Je crois qu’il sait fabriquer des pierres mates dans la forêt.
Cécile Sans
Revue Pli, numéro 04, 2015
Éclats, numéro spécial