Dans ce monde sans parfum ni saveur, ou je bande donc je suis, ou je dépense pour exister un peu, ou je est une vautre, un ventre, un petit vote un rot, le bâtard vaut moins que zéro. Les belles autos me laissent froid, les palaces me glacent, et l’argent n’a pas de place pour moi. La chasse à la vulve commence à me lasser, lacère ma valve ventrale, les lacets de mon cœur font des nœuds. Je erre dans une vacuité fade et blèche. Je lèche le feu au petit déjeuner, la neige au repas, la merde au dîner. Ma vie fait du sur place, je n’ai plus envie de rien. Peut-être de cyanure un peu, d’un pas de plus dans le vide. En finir. Un avenir en forme de couches et de rides n’aide pas mon sourire qui reste bloqué à l’envers. J’irai nulle part, pas de piste rose ni de paradis, et l’enfer c’est ici. La vie est un bouchon, une file d’attente, une bouche malade, une chaude pisse sans rire, une rive sans paix aucune, dans notre société de la peur et de la violence. La dent lance, je suis en vie. L’estomac se tord, je suis en vie. L’abcès s’infecte, je suis en vie. Ce matin j’ai la gerbe, pas assez bu et trop vu, Marseille dégueule des litres d’eau. Me voilà bloqué dans mon cube et je n’ai plus que trois clopes. Je n’ai pas envie de lire ni de regarder un film. Ma vitre est sale, mais pas assez pour que je n’aperçoive pas des lambeaux de ciel et de béton. Bite en berne, seul et seul, dans la salle d’attente sale qu’est mon chez moi. Pas besoin de schéma, comme une mèche dans la verge, comme une diarrhée odorante de la vierge marie. On est seul tout à fait seul, que ce soit dans un stade incandescent ou dans la descente abrupte de la vieillesse. J’ai 40 ans. Je sais ce qu’il y a derrière, j’en conclue ce qu’il y aura devant. Une danse à l’envers et sans strasse vers les métastase. A ce stade du jeu rien ne sert de courir, tu vas pourrir à point. Je n’ai plus qu’une clope et écrire me lasse. Je laisse l’ordi à mon chat pour qu’il mate ses mails et révise son canard. J’enfile ma veste et m’engouffre dans le matin noir. Le jeun d’amour me crève le ventre. Des cadavres à la craie seraient plus vivants que ces têtes basses qui se pressent sur les trottoirs étroits de la rue Saint Pierre. Marseille sous la pluie n’est plus la même. Je mastique ce vent froid comme une brochette de blattes. Je ne m’astique même plus, et quand je croise une mère sexy, je pense à l’odeur tiède et matinale des toilettes. Pas d’étoile pour le bâtard, mais une toile en noire et noire. Marée haute de grimaces. Noël sera bientôt là. Le père noël ne porte que de des grosses limaces rouges dans sa hotte. Même La Plaine est moche. Même Noaille ressemble à une rue de Paris. Tant qu’à faire, je marche jusqu’au Prado. Ici très-bas vieillissent des robes ridées et des costards périmés. Ça vivote goulu ça vote FN. Ça ressemble à s’y méprendre à une rue du seizième. Saisi par le froid, sa saison du pendu, je regagne mon cube et je pose mon cul. Salope de vide salope. Je vais partir, au Bled, dans un champs de blé l’été, loin plus loin encore, de nos frontières blanches comme la peau du cadavre. Je ne veux plus de cette vie laide et servile. Je ne veux plus passer mon temps à perdre, à perdre mon sang dans le sablier du temps. Je veux réussir ma mort, c’est tout. Je lance un œil par la vitre crade. Le béton ne bougera pas. Le ciel restera bas, bave sur mon crâne comme une forêt d’abats. A bas les cartes, les cadres, la vie crade. Je prépare un café pour la mort, me rassois, et attends.
Jérôme Bertin
Revue Pli, numéro 06, 2016